1
LA PHRASE EXCLAMATIVE
ABRÉVIATIONS
L’Alouette= Al
Antigone=
Ant
Les
Bonnes= Bn
La
cantatrice chauve= Cc
Les
Chaises= Ch
Electre=
El
La
guerre de Troie n’aura pas lieu= Guerre
La
Leçon= Lç
Ondine=
On
Rhinocéros=
Rh
APPROCHES DE
LA NOTION DE PHRASE
1.
Définitions et types de phrase
La phrase représente
un sujet complexe dans la grammaire de la langue française.
La phrase, dans la
définition classique, est l’expression d’une pensée, c’est-à-dire, un
sens
complet, ou plus simplement encore.Comme
une unité formelle elle est faite d’une
combinaison, d’un argument, d’un arrangement de vocables. Cet ensemble
se
trouve matériellement délimité par deux signes de ponctuation forts,
i.e. par
deux pauses entre lesquelles se déroule, dans le cas où la phrase est
parlée,
sa mélodie : elle est une unité phonologique par conséquent. Mais
elle est
aussi une unité stylistique, dès l’instant que les fonctions
sémantiques et
phonétiques se teignent d’effets de sens et d’effets de mélodie et de
rythme.
Enfin cet ensemble est constitué de mots eux-mêmes organisés le cas
échéant en
groupes voire en propositions : autrement dit la phrase est une
unité
syntaxiques, plus au moins complexe.
Dans beaucoup de grammaires
la phrase est définie comme formée d’une proposition (phrase simple) ou
de deux
ou plusieurs propositions (phrase complexe) que
tout sujet parlant est capable…de produire et d’interpréter, mais dont
il sent
aussi intuitivement l’unité et les limites.
Cette division en phrase simple et phrase complexe représente un
premier
classement de la phrase.
La
phrase simple est formée d’un sujet et d’un prédicat (parties
principales)
tandis que dans la phrase complexe ces parties principales sont suivies
des parties
secondaire (complément, attribut, etc.) qui font la phrase plus
explicite. Ces
parties sont ordonnées d’une certaine manière tenant compte des règles
de
grammaire. Le but de toute phrase, simple ou complexe, est de
communiquer
quelque chose. Pour que le message soit correctement déchiffré le
locuteur
emploie une intonation spécifique au contenu de la phrase. A la fin de
la
phrase on utilise la contrepartie graphique de l’intonation propre à
chaque
type de phrase. Le premier mot de la phrase (le plus souvent le sujet)
s’écrit
avec majuscule.
Du
point de vue de la communication, le locuteur peut s’adresser à
quelqu’un de
différentes manières, selon la façon dont il veut agir sur lui. En
fonction de
l’intention du locuteur la phrase peut être déclarative (ou assertive),
interrogative, impérative et exclamative et elle est caractérisée par
une
intonation et une ponctuation qui varient selon le type de phrase.
Ø
La phrase déclarative ou assertive est utilisée pour asserter
quelque chose, de manière affirmative ou négative, sans exprimer les
sentiments
du locuteur en ce qui concerne le contenu de l’énoncé.
L’intonation est montante, puis
descendante. Son correspondant typographique est le point (.).
Je ne le nie
pas, j’ai repris l’histoire où tu l’avais lâchée. (J. Genet, Bn., 44).
Ø
La phrase interrogative exprime en grandes lignes le désir du
locuteur de s’informer, par l’intermédiaire d’une question qui demande
une
réponse.
L’intonation est montante. Sa
contrepartie graphique est le point d’interrogation ( ?).
Vous
m’attendez depuis longtemps ? (E. Ionesco, Rh., p.16)
Ø
La phrase injonctive/impérative. Dans ce cas un ordre est
exprimé. Le locuteur veut influencer l’interlocuteur à adopter une
certaine
attitude et à accomplir son ordre. Elle ne peut pas être ni vraie, ni
fausse.
L’intonation est descendante, ce
qui correspond au point (.) ou au point d’exclamation ( !) à
l’écrit.
Occupez-vous de ces
Messieurs ! (E. Ionesco, Rh.,
p.23)
Ø
La phrase exclamative
Tu es folle ! (J.Genet, Bn.,
39)
LA
PHRASE EXCLAMATIVE
1.
Définition
La phrase exclamative bien qu’étant, en ce qui concerne le
contenu
sémantique analogue à la phrase déclarative (vu qu’elle apporte une
information), elle présente la particularité d’ajouter au message, si
bref
soit-il, une connotation affective.
L’exclamation, dans un sens
général, a des traits caractéristiques communes aux autres types de
phrase : la structure syntaxiques de la phrase déclarative (Je vous entends très bien ! –
E. Ionesco, Rh., p.92) ;
l’inversion du sujet (Est-ce possible !
– E. Ionesco, Rh., p.70) ;
l’attitude du locuteur (Calmez-vous !
– E. Ionesco, Rh., p.67).
A l’oral la distinction entre
ces deux types de phrase est faite par l’intonation : sa
mélodie est très contrastée et sa courbe, montante ou descendante,
commence ou finit souvent sur une note élevée, qui met en valeur le
terme sur
lequel porte l’exclamation.
Celui-ci est le critère prosodique d’identification de l’exclamation.
Le
critère graphique est représenté par le point d’exclamation ( !).
Remarque. Le point d’exclamation apparaît aussi
à la fin des
phrases non exclamatives pour marquer l’expression d’un sentiment vif.
Solange ! (J. Genet, Bn.,
p.105)
C’est
à l’aide de l’intonation et du contexte situationnel que le récepteur
du
message décode la nuance affective exprimée.
Oh ! (E. Ionesco, Cc.,
p.38) peut exprimer une variété de
sentiments :colère, étonnement, joie, surprise, dolour, etc.
Oh ! mais tu m’agaces, à la fin !
(J. Genet, Bn., p.45)
Oh ! quel est ce baisser inédit que tu
me donnes, Hélène ! (J. Giraudoux, Guerre,
p.99)
Sémantiquement, les énoncés exclamatifs
expriment « un haut degré dans l’ordre de la quantité ou
de la
qualité ».Ce degré élevé peut être signalé par un terme
spécifique, en
particulier par un adverbe exclamatif.
Comme c’est curieux ! (E.
Ionesco, Cc., p. 24)
Que vous êtes grosse ! (J. Genet, Bn., p.17)
Du
point de vue syntaxique la phrase exclamative présente une variété
d’outils
exclamatifs (que, combien, comme, etc.).
Elle peut être verbale ou non verbale.
Je l’ai vu, j’ai vu le rhinocéros !
(E. Ionesco, Rh., p.57)
Drôle de famille ! (E. Ionesco, Cc.,
p. 73)
2.
Types de phrases exclamatives
Selon T.
Cristea il y a deux types de
structures exclamatives
-
la
phrase exclamative implicite ;
-
la
phrase exclamative explicite.
a.
La phrase exclamative implicite ou
inorganisée peut être constituée d’un
seul mot isolé ou d’une suite de mots, souvent assez développée.
Dans la phrase
implicite manque soit le sujet, soit le prédicat, soit tous les deux
(dans le
cas de l’interjection), mais ils sont sous-entendus. Ce type de phrase
est
appelé phrase elliptique. Le contexte
situationnel aide l’interlocuteur à déchiffrer le message.
Vos
mains ! N’égarez pas vos mains.
Vous l’ai-je assez murmuré !
elle empestent l’envier.(J. Genet, Bn.,
p.24)
La phrase
implicite se divide
à son tour dans :
-des phrases
interjections
Oh !
si ! (J. Genet, Bn., p.24)
-des phrases à
terme unique (monorème exclamatif)
Pauvre
petite bête ! (E. Ionesco, Rh.,
p.40)
-des phrases à
deux termes (dirème exclamatif)
Quel
langage, ma fille ! (J. Genet, Bn.,
p.69)
b.
La phrase exclamative explicite ou
organisée représente la phrase exclamative en général. Elle a les
particularités de tout énoncé exclamatif (intonation, point
d’exclamation à la
fin, mots exclamatifs, formes verbales spécifiques). Ce type de phrase
fait
usage de la majorité des procédés employés dans la phrase organisée.
Par
rapport à l’exclamation implicite celle-ci peut avoir aussi la
structure sujet-
verbe-complément sans changer sa nuance affective. Dans ce cas
l’intonation
joue un rôle très important.
Oh ! Mademoiselle ne s’est
jamais promenée ! (J. Genet, Bn., p.39)
On meurt toujours pour
son pays ! (J.
Giraudoux, Guerre, p.62)
Quelle
est cette histoire de coupables ! (J. Giraudoux, Electre,
p.200)
3.
Marqueurs exclamatifs
Les interjections traduisent de manière
directe les sensations et les sentiments du locuteur.
Elles peuvent
être :
§
de
noms, soit employés seuls
soit accompagnés d’une épithète :
Victoire ! (E. Ionesco, Cc.,
p.47)
Pauvre bête ! (E. Ionesco, Rh.,
p.69)
§
des
cris ou des onomatopées
(des bruits qui sonnent comme les choses
qu’ils
décrivent) :
Euh! (E.
Ionesco, Cc., p.39)
Brr! (E. Ionesco, Rh.
p.137)
§
des
adjectifs accompagnés ou non
d’un adverbe :
Fantastique ! (E. Ionesco, Cc.,
p.38)
Trop
lasse ! (J.
Genet, Bn., p.96)
§
des
adverbes ou des locutions
adverbiales :
Assez !
(J. Genet, Bn., p.28)
Ça
alors ! (E. Ionesco, Rh.,
p.40)
§
des
formes verbales (spécialement
des verbes à l’impératif) :
Tiens,
vous mademoiselle Daisy ! (E. Ionesco, Rh., p.115)
§
des
jurons :
Mon
Dieu ! E.
Ionesco, Rh., p.70)
§
des
mots isolés (à l’aide du
contour intonatoire exclamatif) :
Alors,
pourquoi vous en donnez-vous l’air ! (E. Ionesco, Rh.,
p.28)
L’interjection peut être
employée toute seule ou suivie d’autres éléments :
Ah, la politesse
française ! (E.
Ionesco, Rh., p.24)
Oh! (E. Ionesco, Cc.,
p.66)
L’interjection
peut exprimer :
-l’admiration :
Oh ! (J. Genet, Bn., p.74)
-la douleur :
Oh ! Ah! (E. Ionesco, Rh,
p.67)
-le mépris : Pff !
(E. Ionesco, Rh., p.57)
-l’appel : Attention !
(E. Ionesco, Rh., p.72)
-l’impatience :
Allons donc ! (E. Ionesco, Rh,
p.59)
-le soulagement:Enfin!
(J. Giraudoux, Electre,
p.163)
-l’approbation :
Bravo ! Bravo ! (J.
Giraudoux, Guerre,
p.172)
-l’enthousiasme :
Hourrah ! Hourrah ! (E.
Ionesco, Lç., p.68)
Les
interjections Ah ! Oh !
expriment une gamme variée de
sentiments : le regret, le soulagement, le choc, etc.
Ah !tu veux que
j’achève ! (J.
Giraudoux, Electre, p.202)
Ah !ils ont bien
choisi leur heure !...
(J. Anouilh, Antigone, p.49)
Oh !mon chéri,
comme j’ai été bête !
(idem, p.37)
. Le
monorème exclamatif est un énoncé à
terme unique : un seul de termes, le sujet ou le prédicat, est
explicité,
l’autre terme étant implicité dans la situation, de sorte qu’il
parvient à la
connaissance du récepteur par l’intermédiaire des éléments
extralinguistiques.
A votre santé ! (E. Ionesco, Rh.,
p.29)
Quelle naïveté ! (E. Ionesco, Rh.,
p.117)
Remarque. Terme unique signifie un mot (qui est
explicité)
accompagné d’un ou de plusieurs déterminants
Le
dirème
exclamatif est
une phrase à deux termes explicités (sujet et prédicat), mais ils sont
disjoints grammaticalement.
Drôle d’argument ! (E. Ionesco, Rh.,
p.133)
Le
contour
intonatoire s’applique
d’habitude à la structure canonique (groupe nominal - groupe verbal) de
la
phrase déclarative pour lui ajouter une nuance affective. Une modalité
de
transformation est le changement de la structure syntaxique de la
phrase
assertive, mais on change aussi la tonalité.
Je déteste qu’on se
paie ma tête !
(E. Ionesco, Rh., p.28)
Car Solange vous emmerde ! (J. Genet, Bn.,
p.29)
Remarque 1. On ne peut changer toutes les phrases
déclaratives en
phrases exclamatives.
Remarque 2. Si l’exclamation est marquée
seulement par l’intonation,
un accent d’intensité
est mis sur le constituant qui marque le
plus souvent la réaction affective du locuteur.
Vous
me faites rigoler !
(E. Ionesco, Rh.,
p.67)
L’intonation n’a
pas une définition précise, ni une caractérisation rigoureuse.
Pour Grevisse
l’exclamation a une intonation descendente. Dans ce cas les
phrases exclamatives commencent très haut pour descendre ensuite
jusqu’à la dernière syllabe.
Oh,
Daisy! (E. Ionesco, Rh., p. 40)
Tenez, voici un peigne ! (E. Ionesco, Rh.,
p.18)
Elle
peut exprimer l’admiration, l’horreur, la tendresse, la tristesse,
l’étonnement, etc.
Quel
original ! (E.
Ionesco, Cc., p.39)
Vous êtes
rhinocéros ! (E.
Ionesco, Rh.,
p.92)
L’exclamation
peut avoir une intonation ascendante. Ce
type de courbe mélodique commence sur un ton normal et monte assez haut.
Ce n’est pas étonnant ! (E.
Ionesco, Rh., p.18)
L’enthousiasme
du locuteur est le mieux exprimé par ce type mélodique ascendant.
Fabuleux ! (E. Ionesco, Rh.,
p. 64)
Deux courbes mélodiques s’appliquent phrase
exclamative :tantôt une intonation ascendante (la voix monte
cependant
moins haut que dans l’interrogation)ex :Pierre part(↑) tantôt une
courbe
d’abord montante, démarrant d’assez haut, puis descendante avec un fort
accent
d’emphase sur la dernière syllabe :ex :Qu’il est
mignon ! (↓).
L’intonation
est le marqueur de base de la phrase exclamative dans la communication.
Un
message sans un contour intonatoire propre ne peut pas être
correctement
déchiffré.
Les mots introducteurs
(mots
exclamatifs)
La présence de certains
mots (interjection, apostrophe,
présentatifs, adverbes d’intensité), l’utilisation des articles ou des
démonstratifs, l’emploi d’un vocabulaire hyperbolique soulignent ou
favorisent
le ton exclamatif.
Ce type de mots
apparaît aussi dans des énoncés non exclamatifs. Beaucoup de marqueurs
exclamatifs fonctionnent aussi dans la phrase interrogative comme, par
exemple,
quel, combien, qu’est-ce
que. Mais
il y a aussi des marqueurs purement exclamatifs.
Dans la plupart de
cas ils se trouvent en tête de phrase mais ils peuvent aussi occuper un
lieu à
l’intérieur ou à la fin de la phrase. Les marqueurs exclamatifs peuvent
apparaître dans une phrase complète ou dans une phrase incomplète (avec
ou sans
inversion du sujet).
Les mots exclamatifs sont :
§
Que.
Ce morphème peut porter
sur :
1.
un
nom : Il est joint aux noms
par la préposition de et
l’exclamation concerne une qualité ou une quantité..La
quantité exprimée par que de est
indéterminée.
Qu de difficultés
je prévois !
2.
un
adjectif attribut
Que vous êtes intolérant ! (E. Ionesco, Rh.,
p.111)
3.
un
adverbe
Qu’il court
vite !
4.
un
verbe
Que disent ces filles ! (J. Giraudoux, Electre,
p.24)
Devant les verbes
le quantitatif que est remplacé par comme
qui exprime l’intensité de
l’action’
Comme tu
te travailles !
(J. Genet, Bn., p.37)
Remarque. Lorsqu’il porte sur un
verbe
en –er, le que exclamatif est souvent
précédé de ah !qui sert à distinguer le que exclamatif du que du subjonctif.
Dans ce cas, on emploie comme plutôt que le que
exclamatif devant les verbes.
Ah !
qu’il chante bien !
Que est exclusivement exclamatif et il
appartient à la langue littéraire. Pour éliminer les ambiguïtés avec la
complétive que est souvent remplacé
par ses variantes familières : ce
que et qu’est-ce que et par des
adverbes comme :si, combien, comme.
Qu’il est beau ! (J. Giraudoux, Electre,
p.212)
Ce qu’il est beau !
Comme il est beau !
§
Les
formes ce que et qu’est-ce que sont
considérées les variantes de que dans la langue
familière et dans la
langue populaire.
Qu’est ce que c’est que
ces histoires !
(E. Ionesco, Rh., p.112)
Ce que est encore plu familier parce qu’il
représente la partie
finale de qu’est-ce que par
l’effacement de qu’est.
Ah ! ce que
tu étais saoul ce jour-là ! (J. Anouilh, Antigone,
p.59)
Ce couple de
morphèmes porte surtout sur :
-un
adjectif :
Ce que tu es fort ! (J. Giraudoux, Guerre,
p.197)
-un adverbe :
Ce qu’il parle
fort !
-un verbe
Ce que j’ai eu peur ! (E. Ionesco, Rh.,
p.22)
Qu’est ce que j’ai fait ! (E. Ionesco, La lecon,
p.144)
Ils peuvent porter
aussi sur un nom avec la valeur quantifiante de combien.
Ce qu’il débite
des sottises !
Qu’est-ce que s’analyse comme une question mais la réponse est donnée dans la phrase même, puisque le pronom ce est immédiatement suivi d’un
syntagme qu’il représente et qui constitue son identité.
Qu’est-ce que je
regrette !
Avec
une valeur exclamative ce que et qu’est-ce
que expriment la qualité et la
quantité.
Ce qu’il est beau, le
jardinier ! (J.
Giraudoux, Electre, p.11)
Qu’est-ce que tu as
maigri !
§
Combien exprime
la qualité et la quantité et appartient à la langue littéraire.
Combien sont
partis !
Il n’est pas
exclusivement exclamatif étant un mot interrogatif en même temps.
Combien sont venus !
Comme adverbe combien
porte sur :
-
un
adjectif :
Combien émouvant est
son sacrifice !
-
un
verbe :
Combien il a changé !
-
un
adverbe :
Combien facilement il
oublie ses promesses !
Combien peut être :
Ø
pronom
exclamatif en position
de sujet
Combien vont périr dans
cette expédition !
Remarque. Le verbe est au pluriel si combien
renvoie à une notion comptable.
Combien sont morts !
Ø
pronom
exclamatif en position
d’objet seulement s’il est relayé par le pronom adverbial en
devant le verbe.
Combien j’en ai vu !
I. Murăreţ trouve
quatre constructions après combien
suivi d’un attribut :
·
le
sujet est placé devant le verbe
Combien la vie est belle !
·
le
sujet est placé après le verbe de même que l’attribut
Combien est mauvais
pour lui ce jour-là !
·
le
sujet est postposé au verbe, mais l’attribut est placé devant le verbe
Combien belle est la
vie quand tu es avec moi !
·
très
rarement, on peut rencontrer après combien l’inversion complexe (ou
composée).
Aujourd’hui, combien
Jean a-t-il été ellegant !
§
Que de et combien de s’emploient
pour exprimer
une quantité indéterminée, le plus fréquemment dans la langue courante.
Que d’erreurs as-tu
commis !
Combien d’argent il a
dépensé !
Ils s’emploient
avec un nom comptable au pluriel ou avec un nom non comptable au
singulier et
au pluriel.
Que de romans lit Pierre !
Que de lait boit Pierre !
Que de et combien de peuvent
déterminer :
-un nom sujet
Combien de /que de
gens sont morts !
-un nom objet
direct
Combien de /que de gens
j’ai vu !
-un nom objet
indirect
A combien de/que de
gens j’ai parlé !
-un nom complément
circonstanciel
Remarque. Ces deux morphèmes ne peuvent
déterminer un nom attribut
ou un nom impliquant un nombre déterminé :
Combien de est susceptible d’introduire un nom en
toute position syntaxique sauf en position d’attribut.
§
Comme. A
l’origine adverbe interrogatif il s’est progressivement spécialisé dans
l’exclamation remplacé par comment dans
l’interrogation ; mais il garde certains emplois interrogatifs.
Comme porte
sur :
-un
adjectif :
Comme elle est jolie ! (J.
Giraudoux, Guerre, p.88)
-un verbe :
Comme je te plains et
comme je te hais !
(A. Lagarde, XXe Siècle, p.617)
-un
adverbe
Comme tu as bien tout pensé ! (J.
Anouilh, Antigone, p.27)
Il
peut être remplacé par ce que et qu’est-ce
que dans la langue familière.
Comme il fait beau ! (E. Ionesco. Les Chaises, p.62)
Ce qu’il est beau !
Qu’est ce qu’il est beau !
§
Comment
exprime la manière. Il s’emploie avec une valeur exclamative dans la
langue
parlée et dans la langue populaire pour exprimer l’étonnement,
l’indignation et
l’approbation.
Comment avez-vous pu
distinguer les
cornes !
(E. Ionesco, Rh., p.
Comment, abandonner mon
mari, le soir
de ma nuit de noces ! (J. Giraudoux, Electre,
p.81)
E : Une
minute, voulez-vous. Nous parlons de dieux.
M :
Comment donc !
(J. Giraudoux, Electre, p.43)
§
Quel (et
var. quelle, quels, quelles)
appartient dans la même mesure à l’interrogation qu’à l’exclamation.
Comme adverbe
exclamatif il exprime la qualité et la quantité avec de noms comptables
et de
noms non comptables
Quelle idée !
Quelles responsabilités
reposent sur vos épaules !
Quel peut faire partie d’un groupe nominal
qui forme la
phrase à lui seul (phrase nominale) ou d’une phrase complète : Le groupe nominal ayant comme spécifieur
l’exclamatif quel peut former à lui
seul une phrase averbale exclamative. ¹
Quelle
injustice ! (J.
Giraudoux, Electre, p.198)
Et quelle science ! (J. Genet, Bn.,
p.69)
Et quelle immonde
solitude doit être la tienne ! (A. Lagarde, XXe Siècle, p.617)
Dans une phrase
complète formée avec le verbe être le
déterminant quel devient attribut et
complément d’objet direct avec le verbe avoir.
Quel nigaud (il est) !
Quel joli non (tu as) ! (J. Giraudoux, Ondine,
p.29)
Le déterminant quel peut
avoir les fonctions suivantes
dans une phrase exclamative :
-sujet : Quelle
bonne surprise m’attendait !
-attribut : Quel
moment agréable a été cette rencontre !
Remarque. Quel
en fonction d’attribut peut être employé avec une négation de
valeur rhétorique : Quelle ne fut pas ma surprise en le voyant
revenir !
-objet :
Quelle comédie joues-tu ! (J. Giraudoux, Electre, p.100)
Remarque. Il peut seulement accompagner un
complément d’objet ayant
la fonction d’épithète.
Quelle chance il a eue !
Avec
cette fonction il peut être précédé de la
conjonction et pour des raisons
stylistiques.
-complément
d’une préposition
A quelle mère admirable
tu ressembles en ce moment ! (J. Giraudoux, Electre, p. 99)
§
Le
pronom interrogatif peut
avoir aussi une valeur exclamative.
Le pronom
interrogatif qui, dans un énoncé
exclamatif, peut être associé à l’interrogation rhétorique.
Qui la croit, qui
l’écoute excepté vous !
(idem, p.74)
De même, le pronom
quoi a acquis une valeur exclamative.
Il fonctionne comme interjection pour exprimer l’étonnement,
l’indignation,
etc.
Quoi ! tu
m’abandonnes !
§
L’exclamation
peut être
introduite par des expressions :
Ø
et comment appartient à la langue familière et sert
à renforcer une affirmation ; elle marque l’intensité et porte
souvent sur
un énoncé déjà exprimé.
Tu acceptes sa
proposition ?-Et comment !
Ø
faut-il que /faut-il +infinitif
Faut-il qu’il
l’aime !
Faut-il t’aimer pour
accepter de faire cela !
Ø
plus souvent que (emploi familière)
Tu le vois
souvent ?-Plus souvent que tu
penses !
Ø
dire que /et dire que
Et dire qu’on me croit
faible ! (A. Lagarde, XXe Siècle,
p.583)
Ø
avec cela /ça que (fam.)
Mais c’est que cela est
vrai !
Ø
Dieu sait si
Dieu sait s’ils se
moquent de ce que vous pouvez faire
avec Pâris, les Grecs ! (J. Giraudoux, Guerre,
p.143)
Ø
pour ce que
Pour ce que tu t’y
intéresses !
Ø
penser que /et penser que
Et penser que dans ce
château est né Ronsard !
Remarque. Le verbe penser
ne peut pas apparaître dans une phrase exclamative s’il est à un mode
personnel.
Ø
tu parles de
Tu parles d’un ami !
§
Pourquoi. Bien qu’une marque de l’interrogation
il peut apparaître dans des énoncés
exclamatifs aussi.
Pourquoi l’as-tu
aimé ! (J.
Giraudoux, Electre, p.129)
L’inversion
du sujet
Cette marque est
une caractéristique essentielle de l’interrogation, ce qui fait la
distinction
entre les deux types de phrase, exclamative et interrogative,
difficile. La
différence d’ordre communicatif entre les deux types d’inversion du
sujet tient
à ce que par l’interrogation on demande une information tandis que par
l’exclamation on reconnaît les qualités de l’objet de l’énoncé.
Dois-je préciser ? (J. Genet, Bn.,
p.19)
Ai-je assez pleuré
d’être une fille !
(J. Anouilh, Ant., p.29)
Il faut distinguer :
o
Les
phrases exclamatives sans
mot exclamatif.
Dans ce
cas l’exclamation n’est possible que par
le changement d’ordre sujet-verbe dans la phrase déclarative. Sans un
mot
exclamatif la phrase exclamative avec inversion de sujet est limitée
aux
phrases attributives comme le remarque M. Riegel dans sa Grammaire
méthodique du français.
Tiens, me serais-je
dit, le petit Troiulus m’embrasse ! (J. Giraudoux, Guerre, p.96)
o
Les
phrases exclamatives avec
mot exclamatif :
1)
Quand
le sujet est un pronom personnel ou les pronoms ce et on l’inversion
n’est pas possible lorsque la phrase est introduite par que,
comme mais l’ordre
peut être changé après que de fois.
Que vous vous payez ma
tête ! (E.
Ionesco, Rh., p.28)
Que de fois moi-même me
suis-je dit que j’avais raison !
On doit faire
l’inversion du sujet si dans la phrase exclamative introduite par que le verbe est ă la forme négative
(spécialement dans la langue soutenue). La négation dans une phrase
exclamative
avec inversion du sujet est nécessaire pour orienter
le décodage du message vers le non appel d’information
(non-interrogative).
Remarque. Dans les phrases exclamatives
introduites par qui et que l’emploi de ne
expletif est suffisant.
Que ne suis-je près de vous !
Apres
combien l’inversion est facultative.
Combien je suis heureux !
Combien voit-on de gens
sévères !
Mais
elle est fréquente après combien de fois.
Combien de fois lui ai-je répété de venir !
Quand l’exclamation est introduite par le determinant
quel accompagné d’un nom le pronom avec
fonction de sujet n’est pas inversé.
Quel
chemin il a fait depuis !
2)
Quand
le sujet est un nom l’inversion
est possible après le déterminant quel
qui porte sur un complément et après l’adverbe combien
Quelle jolie robe porte
Marie !.
Combien m’a fait
plaisir votre lettre !
Remarque. L’inversion du sujet nominal est
obligatoire apres
l’adverbe combien quand il porte sur
un adjectif attribut et après quel
quand il occupe la fonction d’adjectif attribut.
Combien importante fut cette décision !
Quelle fut votre erreur !
Après
que de et combien de l’inversion du
sujet (soit nominal ou pronominal) est
facultative.
Que de difficultés dois-tu dépasser !
Que de difficultés tu dois dépasser !
Combien de mensonges a dit François !
Combien de mensonges François a dit !
On
rencontre parfois dans les phrases exclamatives un type d’inversion
qu’on
appelle complexe.
Cette
femme a un sacré caractère !
Cette femme a-t-elle un
sacré
caractère !
BIBLIOGRAPHIE
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